Tandis qu’elle s’apprête à sortir un nouvel album et à partir en tournée mondiale, Rihanna, 27 ans, réalise un parcours quasiment sans faute. Itinéraire d’une femme pressée.
C’était il y a presque une dizaine d’années, lorsque feu la Star Academy recevait des stars internationales en direct le vendredi soir sur TF1. Autant dire il y a un siècle, avant les causeries mondialisées de Twitter et l’exhibitionnisme institutionnalisé via Instagram, avant l’omniprésence de Rihanna, tous supports confondus, tandis qu’elle va remplir cet été le Stade de France et que son nouvel album intitulé Anti se fait attendre. Dans les mornes couloirs des loges des studios de La Plaine-Saint-Denis, au nord de Paris, la même Rihanna, grande fille très court vêtue, aux yeux clairs et aux jambes interminables, marchait alors d’un pas déterminé, souriant à droite et à gauche, avec l’air de savoir précisément vers quoi elle se dirigeait. Et quelle allure… Les cheveux courts, le visage et la silhouette encore parés de quelques charmantes rondeurs adolescentes, gommées depuis. Devant les professionnels français du disques et de la télé réunis à cette occasion, les « star qualitys » de la chanteuse explosaient: un charisme comme une photogénie évidente, et surtout ce petit quelque chose qui fait que dès qu’elle entre dans une pièce, la température augmente sensiblement. En cette année 2007, pour ne rien gâcher, Rihanna avait un tube à proposer, énorme, imparable, toujours aussi efficace près d’une décennie plus tard, intitulé Umbrella.
A l’origine destiné à redorer le blason d’une Britney Spears en perte de vitesse, ce morceau avait été refusé par l’entourage de la blonde américaine. Funeste erreur. Les dés étaient jetés, et les années Rihanna pouvaient commencer, tandis que celles de l’ex-lolita lessivée comme celles du télé-crochet de la Une se terminaient, appartenant désormais au passé, à la nostalgie, à une pop culture périmée.
L’heure de Rihanna sonnait. Agée alors d’à peine vingt ans, elle aurait pourtant pu rester dans le sillage des Destiny’s Child, le groupe de la future superstar Beyoncé, ou dans les pas des Pussycat Dolls, une formation féminine tout droit sortie d’une boîte de strip-tease de Los Angeles. Autant de dignes représentantes de la mouvance bling-bling, un mot passé dans le langage courant en France depuis qu’un président de la République française, élu la même année 2007, a passé ses vacances sur un yacht en arborant sans complexes lunettes griffées et montres de marque. Un look et un style de vie que la Barbadienne nourrie de culture afro-caribéenne et de hip-hop a naturellement adopté, sublimé. Photographiée sous toutes les coutures à la moindre de ses apparitions, elle est déjà louée pour ses audaces stylistiques jonglant scandaleusement avec les règles les plus élémentaires du bon goût, voire de la bienséance. Les gens de mode scrutaient de loin cet oiseau des îles pouvant tout se permettre, même s’il les effrayait quelque peu avec ses mélanges de pièces haute couture et d’accessoires hip-hop. A leurs yeux, Rihanna était trop imprévisible, trop « street », collée aux codes de la rue et aux rappeurs. Ces défiances n’ont duré qu’un temps, ils lui courent aujourd’hui tous après pour accoler son nom à une marque ou la voir au premier rang des défilés.
Ironie du sort, c’est aussi une photo, une seule photo, qui a changé la perception de Rihanna par le grand public. Elle n’est pas la plus glamour, bien loin du papier glacé où elle offre souvent son reflet: la chanteuse a le visage tuméfié et couvert de bleus, les yeux fermés. Ramassée par la police sur un trottoir de Los Angeles le 8 février 2009 après s’être fait tabasser par son copain de l’époque, le chanteur Chris Brown, Rihanna change alors dramatiquement de rubrique, mais surtout pas de camp. Le rôle de la victime? Définitivement pas pour elle. Sous le feu des projecteurs comme jamais, elle refuse publiquement de le charger, assure qu’elle continue à s’inquiéter pour lui, lui conseille de se soigner, se remet avec lui un temps, mais prend finalement ses distances. Résultat, autrefois observée comme un hologramme sexy mais quelque peu irréel, la bimbo Rihanna a pris confusément chair. Et le monde s’est aussi rappelé qu’elle n’avait que vingt et un ans à l’époque des faits, tout comme Chris Brown, qui restera à jamais l’homme qui a porté la main sur Rihanna.
Il n’empêche: la gamine n’en est plus une, et lorsqu’elle reprend les rênes de sa carrière, elle fait feu de tout bois, et les années 2010 seront siennes. Très vite, avant les autres, elle saisit l’importance et l’impact des réseaux sociaux qui permettent un contact direct, sans filtre, avec le public. On la perçoit comme un générateur de fantasmes, une créature légère et frivole? Téléphone en main, elle envoie du bois, capte et partage tout et n’importe quoi, de ses séances de travail à ses parties de rigolades en Bikini entre copines aux quatre coins du monde, bières et cigarettes trafiquées toujours à portée de main. Ainsi, elle donne l’impression de vivre dans une fête sans fin au fil d’interminables vacances. Alors qu’en réalité, elle donne le change, a toujours mille projets en cours, multiplie les activités, s’est créé en très peu de temps un véritable empire où se mêlent chiffons et industrie musicale. Les chiffres donnent d’ailleurs le tournis: 55 millions d’albums vendus, 7 milliards de VU sur YouTube, 28 millions de followers sur Twitter, sans oublier les 25,4 millions de personnes qui la suivent sur Facebook… N’en jetez plus.
Quant à ses amours… Sans doute la seule chose qu’elle ne maîtrise pas vraiment. Ce n’est pas compliqué: il suffit qu’elle croise un garçon un peu connu, qu’une photo existe et hop, il est avec Rihanna, c’est sûr. Dans les derniers mois, elle a ainsi été quasiment fiancée à l’acteur Leonardo DiCaprio, au footballeur français Karim Benzema, ou encore au champion anglais de F1 Lewis Hamilton. Et lorsqu’elle est interrogée sur le sujet, elle explique qu’elle n’a pas le temps, qu’elle n’est pas disponible, qu’elle est trop occupée par le boulot. Le seul moment de l’année où elle se lâche vraiment? Lors du carnaval de la Barbade, où Robyn Rihanna Fenty a grandi dans un bungalow, entre un père faisant les marchés et une mère comptable. Sans faute début août, elle y fait le show perchée sur un char jusqu’à plus soif, attirant une fois l’an tous les regards sur cette île anglophone des Petites Antilles perdue dans la mer des Caraïbes. Rihanna? Sûrement une fille sympa.
Crédits photos : INF/Starface
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