On ne voyait que le bonheur (Editions JC Lattès) est l’un des romans les plus attendus de la rentrée. De passage à La Colombe d’Or, l’écrivain nous présente en exclusivité sa joyeuse tribu…
Gala : Vous êtes un homme de pub, vous dirigez votre propre agence. Comment êtes-vous devenu, sur le tard, romancier ?
Grégoire Delacourt : Depuis que je suis le patron de mon entreprise, j’arrive à beaucoup mieux gérer mon temps. Pendant de nombreuses années, j’ai vécu l’enfer d’une dizaine d’heures de réunion par jour, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Comme j’écris pour la publicité depuis plus de trente ans, je me suis dit que le moment était venu de voir si j’étais capable d’écrire non seulement une histoire, mais de mener un projet littéraire jusqu’au bout. Il y a quelques années encore, cela me paraissait un challenge insurmontable ! L’écrivain de la famille, mon premier roman, est donc sorti en 2011. Je venais d’avoir cinquante ans.
Gala :On ne voyait que le bonheur en explore la fugacité. Mais il s’intéresse aussi à la fragilité du couple et à la lâcheté des hommes. Vos thèmes de prédilection ?
G. D. : Ces sujets sont chez moi légèrement obsessionnels. Ils me passionnnent d’autant plus que je n’ai toujours pas trouvé de réponses à ces problématiques. Le couple, le bonheur, la famille, j’aime qu’il y ait cette dimension sociale dans mes livres. Dans ce nouveau roman, j’ai vraiment donné des choses très personnelles. Il vient de loin. Au point de me sentir un peu groggy !
Gala : Pourquoi y offrez-vous une vision aussi négative du couple ?
G. D. : Le couple, il n’y a rien de plus compliqué ! Au départ, vous avez une rencontre sur une envie commune. Ensuite, les malentendus commencent à s’installer avec pour constat « je ne reconnais plus la femme que j’ai épousée, c’en est une autre ». Le « aimer pour la vie » est un petit mensonge. Tôt ou tard, chacun prend un chemin différent…
Gala : Mais le mariage, vous y croyez tout de même, puisqu’après un divorce, vous avez de nouveau convolé !
G. D. : Cela peut vous paraître paradoxal, mais oui, heureusement que j’y crois ! Vivre ensemble, c’est super dur et magnifique. Je suis hanté par l’idée de profiter de mon couple chaque seconde qui passe, car je sais pertinemment que l’état amoureux permanent n’existe pas en continu. Sans parler du bonheur, tellement fragile, un peu comme un oiseau qu’on aurait du mal à attraper. Plus je vieillis, plus je me dis que l’on se gâche à ne pas savourer l’instant. C’est maintenant qui compte, pas l’avenir.
Gala :Dans la liste de mes envies, vendu à plus d’un million d’exemplaires en France et traduit en trente-cinq langues, vous vous êtes glissé dans la peau de Jocelyne, qui vient de gagner au Loto. Vous aimez ce genre d’exercice au féminin ?
G. D. : Pour moi, c’est jubilatoire. Je me suis toujours senti en empathie avec les femmes, beaucoup plus qu’avec les hommes, qui m’intéressent assez peu. Je suis issu de la petite bourgeoisie balzacienne du Nord. J’ai grandi à Valenciennes – mon père était marchand de tissus -, entouré de grand-mères, de tantes. Sans parler de ma mère, avec laquelle j’ai une réelle complicité. Je la revois encore en vacances à La Baule avec les enfants et les femmes de la famille. Durant la sieste des petits, elles buvaient ensemble du Campari et fumaient des cigarettes. Leur élégance me fascinait.
Gala : Quelles sont les petites folies que vous vous êtes accordées avec vos droits d’auteur ?
G. D. : Cet argent, je le considère comme un cadeau qui va me permettre de ne pas m’inquiéter pour ma retraite, ce qui est déjà énorme. Pour l’instant, je n’ai pas d’envies particulières, ni voiture ni Rolex. Je n’ai même pas eu le temps de projeter des voyages… Le luxe, le bling-bling, ce n’est pas mon truc.
Gala : Quel rôle joue votre épouse dans votre réussite ?
G. D. : Enorme ! C’est finalement grâce à elle que j’écris. Elle m’a rassuré, m’a donné confiance en moi. Elle m’a autorisé à oser y aller, sans obligation de résultat. Elle m’a toujours dit : « Si ça ne marche pas, aucune importance, tu l’auras au moins fait pour toi ! »
Gala : Votre succès a-t-il changé vos rapports avec vos quatre enfants ?
G. D. : C’est motivant pour eux de voir que leur vieux chnoque de père a gagné son pari ! Cela leur donne envie de croire que réaliser ses rêves est possible, et à n’importe quel âge. Et surtout que l’on peut réussir en se faisant plaisir. J’ignore si je suis un bon père. Pas facile d’assurer un rôle social et celui de papa, surtout après une journée pourrie ! En plus, après mon divorce, je ne les ai pas toujours eus avec moi. Aujourd’hui que je suis devenu plus adulte, plus serein, je crois que ma famille, c’est vraiment maintenant que je la construis. Ce n’est finalement pas grave si l’harmonie a mis du temps à s’installer…
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