Cinq ans après avoir marqué les esprits avec son premier film, l’Espagnol Juan Antonio Bayona quitte les couloirs de “L’Orphelinat” pour les côtes de la Thaïlande, ravagées par le tsunami de 2004. Un événement qu’il met au coeur de “The Impossible”, long métrage dont il nous a parlé lors de son passage à Paris.

C’est en 2007 (ou 2008 pour les Français) que Juan Antonio Bayona a fait une entrée fracassante dans le monde du cinéma avec son premier film, L’Orphelinat. Depuis, plus rien, jusqu’à aujourd’hui et la sortie de The Impossible. Délaissant le fantastique de son coup d’essai, il nous plonge dans une horreur bien réelle aux côtés d’Ewan McGregor et Naomi Watts, confrontés au terrible tsunami qui a ravagé l’Asie du Sud-Est en décembre 2004. Huit ans après les événements, le cinéaste espagnol nous les fait revivre, et il nous a parlé de ce projet long à monter.

Juan Antonio Bayona et Ewan McGregor : le calme avant la tempête – © SND

Allociné : Cinq ans se sont écoulés entre les sorties de “L’Orphelinat” et “The Impossible”. Pourquoi avoir mis autant de temps à faire ce deuxième film, et pourquoi votre choix s’est-il porté sur ce sujet ?

Juan Antonio Bayona : L’élaboration de The Impossible a effectivement pris plus de quatre ans, mais il en a déjà fallu un pour écrire le scénario, un peu plus d’un an pour mettre en place la partie technique, puis le tournage et le montage ont chacun demandé une année. Ça a donc été très long, mais nous ne disposions pas non plus du budget d’un blockbuster, donc nous avons dû faire le film avec moins d’argent, moins de personnes impliquées dessus, et prendre notre temps, ce qui fait que nous avons été un peu plus méticuleux, afin d’apporter un soin tout particulier à l’ensemble. Et si j’ai choisi ce film, c’est parce qu’il y avait certaines de mes obsessions déjà présentes dans L’Orphelinat, à savoir des personnages qui doivent grandir, mûrir. Dans mon premier film, c’était un adulte qui ne savait pas comment affronter le processus de maturation, alors qu’ici les événements sont vus à travers les yeux d’un enfant qui va mûrir tout au long de l’histoire. Il y a aussi l’idée de se confronter à la mort, et ces deux obsessions reviennent dans mes films, ce qui explique que je me sois intéressé à celui-ci.

Dans les points communs entre vos deux films, il y a aussi le thème de la disparition de l’enfant. Pourquoi êtes-vous aussi fasciné par cet aspect ?

Ce qui est très présent dans mes deux films, c’est la relation mère/fils, appliquée à un contexte extrêmement intense. Donc au-delà de la disparition de l’enfant, ce qui m’intéresse davantage, c’est cette relation. Et dans le cas présent, contrairement à L’Orphelinat, il y a l’idée de l’héritage transmis, par la mère en l’occurence, au moment où elle sur le point de mourir et entend cet enfant, Danny (Johan Sundberg), qui appelle à l’aide et va le sauver : en celà elle donne une leçon à son fils. Et à la fin du film, elle se voit récompensée puisque ce dernier se met un peu dans le rôle du père et vient la consoler. Pour moi c’est vraiment la nature de cette relation qui m’intéresse, beaucoup plus que la disparition d’un enfant en elle-même.

Naomi Watts et Juan Antonio Bayona dans le grand bain – © SND

Vous parliez du budget un peu plus tôt : est-ce qu’il vous fallait nécessairement des acteurs aussi connus qu’Ewan McGregor et Naomi Watts pour aider le projet à se monter ?

Oui, car c’est la réalité du marché : il me fallait des acteurs de renommée internationale pour pouvoir obtenir le budget nécessaire pour faire le film, et c’eût été impossible de trouver les fonds uniquement en Espagne. Mais si la première version du scénario était écrite en espagnol, la grande majorité des dialogues étaient déjà en anglais, puisque cette famille parlait cette langue quand elle était en Thaïlande. Donc ça nous a finalement paru naturel de faire appel à des comédiens non-espagnols pour tourner le film. Et vous aurez remarqué que la nationnalité de la famille n’est jamais mentionnée, car il n’est pas question d’origine ou de classe sociale, mais de personnes plongées dans une situation intense.

Le fait que la vraie famille soit espagnole a-t-il quand même motivé votre choix de faire le film ?

Bien sûr. S’ils sont de la même nationalité, on se sent inévitablement plus proche. La première fois que j’ai entendu parler de leur histoire, c’était à la radio en Espagne, et j’ai ensuite eu envie d’en savoir plus sur la vraie Maria (jouée par Naomi Watts dans le film, ndlr). Or nous habitons dans la même ville donc nous nous sommes rencontrés dans un café du centre-ville, ce qui créé une proximité toute particulière. Mais j’ai quand même voulu aborder cette histoire comme une page blanche, pour que les spectateurs puissent plus facilement se projeter et s’identifier aux personnages, et je ne voulais pas qu’on en sache trop sur eux avant l’arrivée de la vague, car c’est le tsunami et ce qui se passe après qui les humanise. Ce qui m’intéressait, c’était l’étape de conscience qui suit cette vague.

Juan Antonio Bayona (à droite) sur le terrain – © SND

Etait-ce un choix de votre part de vous éloigner du registre fantastique, afin de ne pas vous enfermer dedans ?

Quand on décide de faire un film, on ne pense pas au genre qui est, pour moi, une étiquette qu’on lui colle de l’extérieur, une convetion. Et on ne fait pas un long métrage pour qu’on en parle, mais pour qu’il soit vu, et quand on choisit un projet, c’est autant pour chercher quelque chose que se chercher soi-même, se trouver. Moi quand j’ai entendu cette histoire pour la première fois, j’ai senti une forte connexion entre elle et moi, et j’ai quelque part l’impression que c’est plus elle qui m’a choisi que l’inverse.

Vous mélangez en tout cas les genres dans vos deux films, et celui-ci tient autant du drame que du film-catastrophe voire de l’horreur. Est-ce que les scènes plus intenses vous permettent de rendre la partie dramatique plus puissante encore ?

Oui, cette intensité m’intéresse et je pense qu’on va au cinéma pour vivre une expérience capable de nous transporter en même temps. Ce qui m’a attiré dans l’histoire de The Impossible, c’est la façon dont les événements vont transformer les personnages, et c’est ce que j’ai voulu transmettre dans le long métrage, en même temps que l’idée de souffrance qui accompagne la survie. Dans L’Orphelinat, il y avait aussi cette notion de souffrance, mais c’était celle qui accompagne l’espoir. Et j’ai ici cherché à ce que cela soit transmis directement aux spectateurs, car ces derniers sont transportés en Thaïlande puis rentrent chez eux, comme la famille au coeur du film. Donc j’ai voulu les émouvoir au plus profond pour qu’ils réfléchissent au moment où ils rentrent chez eux, et cherchent presque le sens de la vie. C’est cette réflexion que j’ai voulu associer au film.

Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 12 novembre 2012

La bande-annnonce de “The Impossible” :


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