Alors que la Fashion Week parisienne bat son plein à Paris, le musée d’Orsay s’offre un défilé hors du temps où les robes du second Empire se frottent aux chefs d’oeuvre de l’impressionnisme, mouvement pictural de la fin du XIXe siècle. Un froufrou poétique!
Attablée à une terrasse de café, une femme feuillette sa revue de mode. Dans une boutique, une jeune fille essaye des chapeaux. Un couple flâne non loin des magasins de nouveautés. Tranches de vie dans les rues de la capitale… dans les années 1860. Ces instantanés du quotidien immortalisés par les grands maîtres de la peinture impressionniste, Guy Cogeval, Président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, a souhaité les réunir autour de robes à tournures, de chapeaux friandises, de revues illustrées – témoins d’une mode en pleine démocratisation – dans une exposition dédiée à une période qui se situe entre 1860 et 1885.
Quatre ans qu’il travaille main dans la main, avec son amie de trente ans Gloria Groom, conservateur à l’Art Institute de Chicago, initiatrice du projet qui voyagera avec certaines oeuvres – mais sans les textiles trop fragiles – à New York et à Chicago dès le printemps prochain.
A travers le Portrait de Madame Charpentier et ses enfants de Renoir, la Nana de Manet ou encore La loge de Renoir – rarement ou jamais présentés en France, mais aussi les Caillebotte, les Degas et les Monet, c’est tout le dressing de la bourgeoise de la seconde partie du dix-neuvième siècle qui défile sous nos yeux: robes de chambre poétiquement appelée «matinée», robes d’intérieur très couvrantes, toilettes de cheval, de ville pour les sorties à pied, de visite pour celles en voiture, de dîner ou encore de soirée, peu décolletées et sobres en garnitures et en fleurs.
A l’exception de James Tissot, le peintre-couturier soucieux des détails, les artistes de la peinture dite «moderne» suggèrent les vêtements par des jeux de lumière sur les étoffes, plus qu’ils ne la décrivent. On a l’impression d’entendre la soie, le taffetas et le satin froufrouter dans les intérieurs… Cette incursion dans cette seconde moitié du XIXe siècle célèbre le triomphe de la silhouette longiligne.
«C’est une période intéressante où l’on assiste à l’abandon de la crinoline – l’armure d’assise du jupon à la mode jusqu’à la fin de 1865 – et à l’avènement de la tournure avec son pouf dans le dos recouvert de drapés» explique Philippe Thiébaud, commissaire de l’exposition. Pour illustrer le propos, des robes d’exception qui sommeillaient depuis cent cinquante ans ont été ressorties des tiroirs des musées Galliera et des Arts Décoratifs.
«C’était un devoir pour Paris d’ouvrir grandes ses portes et ses malles, de sortir ses plus belles pièces et de les présenter avec excellence et préciosité» s’enthousiasme Olivier Saillard, directeur de Galliera. Avant de «défiler» – pas plus de trois mois, à moins de 50 lux d’intensité lumineuse pour ne pas ternir leur éclat -, ces belles endormies dont certaines avaient subi les outrages du temps ont eu droit à un lifting dans les règles. Tâchés, jaunis, déchirés, sur les trente-sept modèles exposés, la moitié a été confiée – grâce au mécénat de la maison Dior- aux bons soins d’ateliers de restauration indépendants à travers la France.
«Les robes de coton ont été lavées à l’eau déminéralisée avec des tensio-actifs neutres, séchées à froid, mises en forme avec des plaques de verre, consolidées avec du taffetas de soie, recousues au point de Boulogne, le point de la restauration, avec du fil d’organsin de soie», explique Charlotte Piot, responsable du service de conservation et de restauration du Musée Galliera. Délaissés depuis presque deux siècles par leurs propriétaires, les corsets et les crinolines se matérialisent à nouveau sous nos yeux grâce au «mannequinage», où, à grands renfort de rembourrage, les restauratrices rendent à ces silhouettes leur tenue d’antan.
Les esprits chagrins qui considèrent encore la mode comme un art mineur en seront pour leurs frais. Dans les salles d’Orsay, où tableaux et tissus se répondent sans cesse, on s’amuse au jeu des ressemblances. Cette robe noire en taffetas de soie de 1878 n’est-elle pas l’exacte réplique de celle de La Parisienne de Manet (1875) ? Que dire de la robe portée Dans la serre d’Albert Bartholomé? Le modèle original apparaît tout en tissus et en rayures à côté de l’oeuvre peinte par l’artiste en 1881. La subtile mise en scène du scénographe Robert Carsen nous offre dans une succession de salles tour à tour des esquisses destinées à présenter les modèles aux clientes, les magazines d’époque avec leur rubrique « patron » ou « courrier des lecteurs » précèdent les robes apprêtées.
Dans la rotonde centrale, Le Déjeuner sur l’herbe de Monet (1865–1866), clin d’œil à la délicatesse des gestes esquissés dans les tableaux impressionnistes, inhabituellement posé sur une cimaise, semble s’offrir une valse lente avec des robes qui tournent sur elles-mêmes. Les it bags de l’époque? Des capotes ou des cabriolets, ces chapeaux piqués de fleurs et de rubans qui faisaient fureur chez les modistes, des ombrelles, des cannes, des éventails et autres accessoires de «contenance». Contrepoint sombre aux tenues de ces dames, les silhouettes masculines se révèlent dans les détails et les imprimés variés pied-de-coq et pied-de-poule de leurs pantalons et de leurs gilets. En pleine Fashion Week parisienne, c’est une évidence: la mode n’est-elle pas un éternel recommencement?
Exposition: L’impressionnisme et la Mode du 25 Septembre 2012 au 20 janvier 2013 au musée d’Orsay à Paris. Du 19 février au 27 mai 2013 au Metropolitan Museum of Art à New York, du 29 juin au 22 septembre 2013 à l’Art Institute de Chicago.
A lire : Hors-série Découvertes Gallimard, Les Impressionnistes et la mode par Philippe Thiébaut, coédition musée d’Orsay, Gallimard.
A voir : L’impressionnisme et la mode, réalisation Anne Andreu et Emérance Dubas, Arte, 52 min. Dimanche 30 septembre à 14 h 40.
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