Quelles sont les conséquences liées aux révélations sur la composition des prothèses PIP? Quelles indemnisations peuvent espérer les porteuses de prothèses? La gratuité de la prise en charge peut-elle être obtenue pour toutes ces femmes?… Le docteur Dominique-Michel Courtois, président de l’Association d’aide aux victimes d’accidents corporels(AAVAC), répond à nos questions.
Chantal Guérin, membre de l'association de défense des porteuses de prothèses mammaires PIP et le docteur Dominique Courtois, sur le plateau de l’émission TV “On en parle“, sur LCI.
Doctissimo : Quelle est votre réaction concernant les dernières révélations sur la composition des gels utilisés dans les implants PIP ?Dominique-Michel Courtois : C’est une confirmation ou plutôt une aggravation de ce qu’on pensait depuis un moment. On savait depuis les analyses de l’Afssaps que le gel des
implants PIP était non conforme mais on a tout lieu de craindre que plusieurs gels sont en circulation. On découvre peu à peu que Jean-Claude Mas, tel un apprenti sorcier, concoctait des recettes avec des dosages différents de produits industriels. De fait, les analyses faites par les autorités de santé sur un implant saisi auprès de la société PIP ne seraient pas forcément représentatives de tous ceux en circulation. Des compositions plus toxiques peuvent être en circulation.Doctissimo : Des hypothèses qui sont plus pessimistes que les récents avis des autorités sanitaires…Dominique-Michel Courtois : Les analyses de l’Afssaps réalisées en septembre 2010 faisaient état d’une fragilité des enveloppes des implants avec une importante hétérogénéité de la qualité d’une prothèse à l’autre et d’un gel non conforme avec un pouvoir irritant important mais l’absence de cytotoxicité. Un avis confirmé récemment par un groupe d’experts coordonnés par l’Institut national du cancer.Mais jusqu’alors, aucune analyse n’avait mentionné
ces composés industriels jamais testés pour la santé humaine. Et les annonces de la radio RTL semblent aujourd’hui confirmées par des bons de commande et de livraison de firme allemande. Il apparaît donc évident que ces différents avis sont aujourd’hui mis à mal.Doctissimo : Quel est le sentiment général des femmes porteuses d’implants PIP que vous représentez ?Dominique-Michel Courtois : L’Association d’aide aux victimes d’accidents corporels traite 1 500 dossiers de femmes porteuses des implants PIP. Le sentiment général est fait d’inquiétude et de colère. La plupart se sentent flouées par les autorités de santé, qui ne leur ont pas donné d’informations précises et qui semblent avoir failli dans leur tâche de contrôle de la qualité de ces produits.
Une plainte a été déposée contre l’Afssaps, une autre contre TÜV Rheinland, la société chargée des contrôles indépendants de la société varoise. Chaque plaignante a également porté plainte pour “tromperie aggravée et blessure involontaire“.
Seul le procès pour tromperie aggravée aura lieu avant la fin de l’année 2012, à Marseille. Pour les plaintes pour blessure involontaire et homicide involontaire, l’instruction devrait durer plusieurs années car il est nécessaire de diligenter une expertise médicale judiciaire pour chaque victime.
Les plaintes contre l’Afssaps et contre TÜV Rheinland ne datent pas d’hier. L’association P.P.P. a déposé une plainte pénale contre ces deux organismes, auprès du Procureur Dalest, du Pôle de Santé Publique du TGI de Marseille, depuis mars 2001.Doctissimo : Quelle indemnisation peuvent espérer ces femmes ?Dominique-Michel Courtois : La société PIP a été liquidée ; son gérant est insolvable et introuvable ; l’assureur se dit victime de l’escroquerie et demande la nullité du contrat… Pour obtenir une indemnisation, il faudrait recourir à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction pénale (CIVI), ou bien à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI). Une démarche qui peut être fastidieuse, c’est pourquoi nous concentrons nos efforts aujourd’hui pour que chaque femme concernée puisse bénéficier gratuitement d’une explantation et de la pose d’une nouvelle prothèse, y compris dans le cadre d’une chirurgie esthétique.
La décision du ministère de proposer à toutes les femmes de se faire retirer ces implants gratuitement est une bonne chose. Néanmoins, le non-remplacement de ces prothèses dans le cadre d’une chirurgie esthétique pose problème. Certaines de ces femmes ont longtemps économisé ou ont emprunté pour pouvoir bénéficier d’implants, leur enlever les prothèses sans les remplacer ajouterait un choc psychologique à leur inquiétude. Néanmoins, je pense que nous allons pouvoir trouver une solution pour ces femmes.Doctissimo : Quelles solutions envisagez-vous pour ces femmes ?Dominique-Michel Courtois : Il s’agit d’un problème de santé public inédit. Lors de la réunion du comité de suivi, le Conseil de l’ordre des médecins, le Pr. Lantiéri et moi-même avons appelé les chirurgiens esthétiques à ne pas facturer d’honoraires supplémentaires pour la pose concomitante de nouvelles prothèses en même temps que l’explantation. Nous avons également obtenu de la part de certains fabricants que les nouvelles prothèses soient données gratuitement ou vendues à des prix préférentiels (moins de 300 euros). J’espère que nous avons été entendus et je pense que nous sommes en bonne voie.Sur le plan pratique, si demain toutes les porteuses demandent une telle opération (30 000 femmes), le Pr. Lantiéri estimait que compte-tenu de l’enjeu, des blocs opératoires dédiés pourraient être créés pour répondre à la demande dans des délais raisonnables (6 mois à un an).Doctissimo : La responsabilité des chirurgiens est-elle engagée ?Dominique-Michel Courtois : Certains avocats semblent contester le fait qu’il y ait eu un consentement éclairé de la part de la patiente. Dans la pratique, le chirurgien présente rarement un catalogue des prothèses x, y ou z en spécifiant les coûts et les avantages de chacune. Il peut proposer des options mais est généralement familier de certaines prothèses qu’il a l’habitude de poser. De plus, dire que certains chirurgiens étaient au courant de cette malfaçon des prothèses et les auraient délibérément choisies ne tient pas. Quel intérêt aurait-il eu à le faire ? Il n’y a pas d’intérêt financier puisque la facturation de la prothèse est payée séparément de l’acte chirurgical par la patiente. Engager une procédure civile en ce sens apparaît risqué selon moi, cette stratégie implique de conduire des expertises très couteuses à la charge des patientes, qui ne seront remboursées qu’en cas de victoire au procès. Dans le cas contraire, elles pourraient avoir à les rembourser voire à payer des indemnisations si le procès est perdu…Propos recueillis par David Bême, le 3 janvier 2012Photo : IBO/SIPA
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