La relation entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy aura été une succession de montagnes russes. Le premier a longtemps été un mentor, un modèle pour le second ; mais, au crépuscule du règne chiraquien, quand le disciple a décidé de “trahir” le maître, Jacques Chirac n’a pas apprécié du tout, et a réagi de la manière la plus virulente.
Ce jeudi 26 septembre, une page de l’Histoire de France s’est tournée avec le décès de Jacques Chirac, ancien président de la République (entre 1995 et 2007) mort ce matin à l’âge de 86 ans. Si la vie de Jacques Chirac, grand homme d’Etat et séducteur invétéré, aura été romanesque et pleine de coups d’éclats, on retiendra aussi son histoire tumultueuse basée sur une relation amour/haine avec Nicolas Sarkozy.
Véritable mentor de l’ancien maire de Neuilly, Jacques Chirac aura couvé pendant des années le jeune Sarkozy et l’aura fait grandir jusqu’à le faire accéder aux plus hautes sphères de l’Etat, comme un diamant brut qu’il aurait poli, lui offrant plusieurs portefeuilles lors des dernières années de sa présidence… jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy décide de s’émanciper, d’abord en soutenant Edouard Balladur à l’élection présidentielle en 1995 (face à… Jacques Chirac), puis pour voler à son tour de ses propres ailes pour succéder à son modèle (il sera élu président à la suite de Jacques Chirac en 2007). Leur histoire ? Un drame Shakespearien. Ou une tragédie grecque, selon les influences. Et des “trahisons” qui ne sont jamais passées pour Jacques Chirac qui a pris ces prises de position sarkoziennes comme autant de coups de poignard dans le dos. Mais il ne pouvait pas en être autrement entre eux, entre ces deux monstres politiques, véritables bêtes de campagne aux caractères trempés et aux ambitions débordantes.
Et la réaction chiraquienne n’aura pas tardé à tomber, en plusieurs salves même, et elle aura été radicale. D’abord, en “upgradant” Dominique de Villepin, alors ennemi juré de Sarkozy, à qui il proposa en 2005 le poste de Premier ministre tandis que Nicolas Sarkozy héritait pour sa part “uniquement” de la place Beauvau. Première gifle pour le turbulent Sarkozy. Ensuite, c’est lors de la campagne de 2012 que Chirac a définitivement creusé le fossé avec son ancien disciple : face à Nicolas Sarkozy (alors président sortant) qui représente pourtant sa famille politique, Jacques Chirac décide de soutenir ouvertement François Hollande (Corrézien comme lui, il avait déclaré en pleine campagne “Moi, je vote Hollande !”, avec le succès que l’on connaît puisque le leader socialiste sera élu face à celui dont Chirac parlait en ces termes : “Sarkozy, il faut lui marcher dessus, du pied gauche. D’abord, parce que ça porte bonheur et puis parce qu’il n’y a que ça qu’il comprenne”).
Si l’on ne sait pas l’influence qu’a pu avoir ce soutien sur le résultat de la présidentielle de 2012, François Hollande reste persuadé que cette prise de position l’a amplement servi dans sa bataille de communication contre Sarkozy, comme il l’avait révélé en 2015 dans Chirac, la vie d’après, le livre du journaliste Bruno Dive (paru chez Mareuil Éditions). : “Cela a libéré une partie de l’électorat gaulliste social que Jacques Chirac pouvait représenter. Et ça m’a apporté une forme de reconnaissance. Une partie de l’électorat non politisé a pu penser que si Chirac disait du bien de moi, cela devait être vrai.“ Dans le même ouvrage, François Hollande égratignait en filigranes Sarkozy tout en dressant des louanges à son inattendu soutien : “Comme souvent, ceux qui l’ont trahi lui ont rendu le meilleur service. Ils lui ont offert ce sursaut qui permet alors que rien n’indique le possible succès d’une entreprise, d’en réussir l’accomplissement par la mobilisation d’une force que l’on croyait disparue et par la certitude que l’adversité, que la cupidité, la lâcheté viennent soudainement conforter l’évidence.”
Un affront que n’aura jamais digéré Nicolas Sarkozy, ce qui ne l’a cependant pas empêché de se manifester ce matin, plein de nostalgie et d’affection, après avoir appris le décès de son ancien mentor : “C’est une part de ma vie qui disparaît aujourd’hui.” Les meilleurs ennemis du monde, liés à jamais.
Crédits photos : Bestimage
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