Une fausse couche est en soit déjà un événement difficile à vivre pour la femme et pour le couple. Mais lorsque ces épisodes se répètent, le traumatisme est important, d’autant plus lorsque leur cause reste inconnue. Pour ces cas, la prise en charge à base de fluidifiants sanguins est désormais remise en cause.
On estime que 1 à 3 % des femmes peuvent souffrir de fausses couches récurrentes (1 et 2). Face à ce problème vécu de manière dramatique par les couples, les causes ne sont identifiées que dans la moitié des cas. Pour les cas mystérieux, un traitement à base de fluidifiants sanguins était jusqu’alors préconisé. Une prise en charge aujourd’hui remise en cause.
La moitié des fausses couches à répétition reste inexpliquée
Les fausses couches à répétition sont des événements extrêmement traumatisants pour les femmes qui en sont victimes. Une sur cinq présente ainsi des niveaux d’anxiété similaires à celui des patients traités spécifiquement pour ce trouble psychiatrique. Face à cette détresse, la prise en charge nécessite tout d’abord d’identifier la cause du problème. Ainsi, différents examens peuvent être réalisés :
– Caryotype des deux parents pour rechercher des anomalies ;
– Hystérosalpingographie ou hystéroscopie pour rechercher des malformations utérines (en vue d’une chirurgie réparatrice) ;
– Recherche de problèmes immunitaires (si la présence dans le sang de la mère de cellules cytotoxiques pour l’embryon est détectée, l’administration de corticoïdes peut empêcher la récidive) ;
– Recherche d’anomalies de la coagulation (protéine C réactive et facteur V de Leyden) qui favorisent la formation de caillots sanguins dans la circulation placentaire. L’administration d’aspirine ou d’anticoagulants est préconisée dans ce cas.
Mais dans près de 50 % des cas, la cause de ces fausses couches à répétition reste inconnue. Ce qui entraîne chez le couple la peur de ne pouvoir avoir d’enfant, a un impact sur leur qualité de vie, affecte leur relation jusque dans l’intimité (3). Mais alors que les couples sont dans l’attente de traitements, les gynécologues n’ont que peu de flèches à leur arc.
Un traitement proposé par défaut
Certains praticiens pensent que la survenue de caillots sanguins dans les vaisseaux qui nourrissent le placenta sont responsables de nombreuses fausses couches, même en l’absence de trouble de la coagulation retrouvé. Ils ont donc plaidé pour l’utilisation d’aspirine et de faibles doses d’héparine, qui sont tous les deux des fluidifiants sanguins utilisés pour prévenir l’apparition de caillots. Ainsi, si aucune cause n’est mise en évidence, l’administration d’aspirine combiné ou non avec une héparine est considérée comme bénéfique. Mais jusqu’alors, les preuves d’efficacité de cette hypothèse restaient faibles.
Mais une absence d’efficacité démontrée
Pour tester l’efficacité controversée de ces traitements, une équipe de chercheurs hollandais (4) a conduit un essai clinique multicentrique incluant 364 femmes de 18 à 42 ans, ayant l’intention d’avoir un enfant ou étant dans leurs 6 premières semaines de grossesse. Toutes avaient connu au moins deux fausses couches avant la 20e semaine de grossesse. Un tiers d’entre elles ont reçu de l’aspirine (80 mg d’aspirine), un tiers l’aspirine et de la nadroparine (un anti-coagulant injectable de la famille des héparines) et le dernier tiers un placebo (composé sans effet thérapeutique).
Résultat : aucune différence significative n’a été constatée entre les trois groupes : 54,5 % des femmes traitées par aspirine et nadroparine ont donné naissance à un bébé (67 femmes), comparé à 50,8 % des femmes traitées par aspirine (61 femmes) et 57 % des femmes ayant reçu un placebo (69 femmes). Les effets secondaires, principalement cutanés, surviennent plus souvent chez les femmes traitées par la combinaison des deux médicaments.
Epargner aux femmes des traitements inutiles
“Cette étude démontre clairement que l’aspirine combinée à l’héparine ou l’aspirine seule ne préviennent pas la récurrence de fausses couches inexpliquées et que nous ne devrions pas inutilement confronter ces femmes à l’inconfort et aux risques associés à ces médicaments“, déclare le principal auteur de l’étude Stef P. Kaandorp, du département de gynécologie et d’obstétrique de l’Academic Medical Center d’Amsterdam.
Cette conclusion veut-elle dire qu’on ne dispose d’aucun traitement possible pour ces femmes ? Non, la recherche avance et plusieurs pistes sont explorées, mais ces résultats peuvent déjà épargner à ces femmes des traitements inutiles et potentiellement dangereux.
David Bême
1 – Hum Reprod Update. 2008 Jul-Aug;14(4):293-307.2 – Lancet. 2006 Aug 12;368(9535):601-11.3 – Psychol Psychother. 2006 Dec;79(Pt 4):585-94.4 – “Aspirin and Aspirin Combined with Low-Molecular-Weight Heparin in Women with Unexplained Recurrent Miscarriage: a Randomized Controlled Multicenter Trial (ALIFE Study) “, Congrès de l’ASH – Abstract 488 – 6 décembre 2009
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